NOS DIFFÉRENTS REGARDS CROISÉS



FEMMES


Statut de la Femme dans la société

"Ce qui était préoccupant était qu'on se réunissait entre hommes, à l'extérieur, dans la concession de Mor Gueye et qu'il y avait toujours les femmes derrière sa clôture, c'est-à-dire, à un ou deux mètres de nous ! 
Mais il ne fut pas possible, lors de cette première phase; d'accepter qu'elles participent aux échanges car ceux qui étaient dans le groupe ne pensaient pas que l'on pouvait admettre les femmes; ce n'était pas quelques chose qui se faisait, et même, selon eux, elles n'avaient pas la capacité de participer. 
Pourtant, pendant les dix-huit mois, il n'y eut pas un jour, pas une nuit sans occasion de mettre en exergue les problèmes auxquels sont confrontées les femmes, les difficultés auxquelles elles font face. 
En tant qu'hommes nous devions trouver des solutions à cela. Je m'évertuais donc à dire: "Pourquoi ne permettrait-on pas qu'elle viennent elles-mêmes ? De toute façon, elles écoutent, elles savent que c'est vrai, que c'est important". Mais dans la première phase, il fut impossible d'obtenir que les femmes soient admises autour de la natte et participent au discussions."


Mamadou Cissokho dans Dieu n'est pas un paysan, page 43


Femme au sein de la Famille

En général, on se marie tard ?

 

 À partir de 25, 30 ans, les enfants commencent à se marier. les filles qui ne sont pas mariées restent dans la famille. C’est rare que quelqu’un de marié reste dans la grande famille. tout simplement pour éviter les problèmes. et aussi pour commencer à préparer la venue de ses enfants. les garçons non mariés doivent rester dans la concession. ils travaillent pour la famille mais ils peuvent aussi demander au chef de famille d’avoir un lopin de terre pour commencer à développer des activités individuelles, comme la plantation d’arbres fruitiers. cela devient alors une exploitation individuelle en attendant que ce fils se marie, déménage et construise.

 

 Et pour les femmes ?

 

Ce qui est un peu dommage c’est que les filles ne peuvent pas bénéficier de terres parce qu’en Casamance, on dit que la fille peut se marier au sein du village mais peut aussi se marier hors du village. Donc, elle contribue aux activités de la famille mais elle ne bénéficie de rien, à part ce qu’elle mange, les fruits, le riz, etc… si elle veut avoir un revenu, il faut qu’elle crée une activité personnelle comme le commerce et le jardinage. si elle se lance dans la commercialisation des produits, elle doit trouver de l’argent, acheter des produits agricoles et les vendre. cela, c’est à elle. certaines se spécialisent de plus en plus mais c’est contraignant, il faut aller acheter les produits, les transporter jusqu’à la ville, être patient pour attendre les clients. ma maman, par exemple, préfère rester au village pour produire plutôt que d’aller sur la route de Ziguinchor pour vendre, et parfois dormir là-bas si la vente n’est pas terminée. et si une femme veut faire un petit jardin, on lui prête une terre, mais ce n’est que pour jardiner et juste pour trois ou quatre mois. et elle ne peut pas construire un puits dans son jardin parce que le puits, tu le creuses et puis tu ne peux plus l’enlever !

 

Et pour les membres d’un groupement pour du maraîchage ? si c’est un groupement, la tendance est que dans ce jardin collectif, on essaie de créer des exploitations individuelles. D’abord pour des soucis de rentabilité, parce que si les exploitantes se rendent compte que les revenus vont aller dans la caisse du groupement, elles ne sont pas motivées. il faut faire en sorte que dans ce bloc, il y ait des exploitations individuelles dont les recettes aillent directement aux travailleuses. mais le mari peut dire à sa femme : « Je ne veux pas que tu participes aux activités du groupement ! » cela arrive !

 

Est-ce qu’une femme vivant dans sa belle-famille peut obtenir une parcelle ?

 

Obligatoirement, dans la tradition c’est son droit.

 

Où va habiter une femme divorcée ?

 

Il y a deux possibilités. Si c’est elle qui a choisi de partir, elle rentre chez elle, chez ses parents ; si c’est l’homme qui « l’a divorcée », elle peut atterrir chez un membre de la famille du mari. Par exemple, si je divorce de ma femme, elle peut se retrouver chez mon frère, ce qui permet de partager l’information et de revenir sur la décision, car la grande famille peut être un premier niveau de reconsidération. Ce n’est pas le mari qui va aller vers les parents de la femme, ce sont les membres de sa grande famille qui vont vers la famille de la femme. Et cette famille-là fait souvent partie de la même grande famille que la sienne car beaucoup de mariages se font au sein d’une même grande famille ! Quand elle quitte, elle reste dans cette grande famille pour que déjà toute la famille soit au courant.

 

Elle peut vivre là le reste de sa vie ?

 

Non, c’est temporaire, pour permettre des négociations. Quand ça ne marche pas, si c’est une femme qui a beaucoup de grands enfants mariés, elle peut aller vivre chez l’un de ses fils. Beaucoup de femmes sont seules, surtout en ville. Mais, en ville, les héritages sont différents. Au village, si le mari décède, ce sont ses enfants, les garçons seulement, qui bénéficient. En ville, ce ne sont pas les fils qui vont hériter mais la femme ; celle-ci obtient alors les vergers et devient chef d’exploitation. Quand leur mari décède, les femmes bénéficient de l'héritage et, de plus en plus souvent, elles ne se remarient pas.

 

On divorce même de femmes qui sont déjà grand-mères ?

 

Oui, chez nous, il n’y a pas tellement de problèmes "moraux". Les divorces sont très importants dans les villes les femmes sont instruites. Une jeune femme, aujourd’hui, un peu instruite, sait qu’elle est susceptible de se retrouver sans enfant, sans situation. Un mariage c’est entre l’homme et la femme ; et les enfants sont pour le mari, donc on peut divorcer de la femme qui vous a donné 10 ou 15 enfants. Ce n’est pas un problème ! D’autres femmes vont s’occuper des enfants, tant que ce n’est pas un enfant qui tète. Dans ce cas, le bébé va avec la femme et à un certain moment, l’homme le récupère.

 

Est-ce qu’elle aura toujours l’accueil de sa propre famille ?

 

Cela dépend des conditions du divorce. Si on estime que la femme a fait des c…, les premiers moments sont parfois très difficiles pour que quelqu’un de la famille l’accueille. Les gens analysent pourquoi elle « a été divorcée » et font pression sur elle pour qu’elle change de comportement.

 

Extrait du livre de Demba Keita "Vingt ans pour rétablir la paix" page 85


Femme au sein de l'exploitation familiale

Ce qui est un peu dommage c’est que les filles ne peuvent pas bénéficier de terres parce qu'en Casamance, on dit que la fille peut se marier au sein du village mais peut aussi se marier hors du village. Donc, elle contribue aux activités de la famille mais elle ne bénéficie de rien, à part ce qu'elle mange, les fruits, le riz, etc. Si elle veut avoir un revenu, il faut qu'elle crée une activité personnelle comme le commerce et le jardinage. Si elle se lance dans la commercialisation des produits, elle doit trouver de l'argent, acheter des produits agricoles et les vendre. Cela, c'est à elle. Certaines se spécialisent de plus en plus mais c’est contraignant, il faut aller acheter les produits, les transporter jusqu’à la ville, être patient pour attendre les clients. Ma maman, par exemple, préfère rester au village pour produire plutôt que d’aller sur la route de Ziguinchor pour vendre, et parfois dormir là-bas si la vente n'est pas terminée. Et si elle fait un petit jardin de maraîchage, on lui prête une terre, mais ce n’est que pour jardiner, juste pour trois ou quatre mois. Et elle ne peut pas construire un puits dans son jardin parce le puits, tu le creuses et puis tu ne peux plus l'enlever !

 

Extrait du livre de vie de Demba Keita ”Vingt ans de lutte pour rétablir la paix”


Femme au sein de groupement féminin

Les membres d'un groupement pour du maraîchage, peuvent-elles obtenir plus ?

 

Si c'est un groupement, la tendance est que dans ce jardin collectif, on essaie de créer des exploitations individuelles. D'abord pour des soucis de rentabilité parce que si les exploitantes se rendent compte que les revenus vont aller dans la caisse du groupement, elles ne sont pas motivées. Il faut faire en sorte que dans ce bloc, il y ait des exploitations individuelles dont les recettes aillent directement aux travailleurs. Mais le mari peut dire à sa femme : "Je ne veux pas que tu participes aux activités du groupement !" Cela arrive !

 

Est-ce qu’une femme vivant dans sa belle- famille peut obtenir une parcelle ?

 

Obligatoirement, c’est son droit.

 

Extrait du livre de vie de Demba Keita ”Vingt ans de lutte pour rétablir la paix”


Femmes au sein des mouvements paysans

" Tout juste après les week-ends culturels, les femmes ont continué à se réunir. Dans la communauté rurale de Nyassia, elles ont des cellules traditionnelles où elles réfléchissent sur « quelles propositions pour sortir de la crise ? » Elles ont osé dire aux hommes : « Si vous avez peur, nous, on prend les devants". Elles ont même pris la décision de rencontrer les combattants directement, sans la participation des hommes. Donc, elles se sont mobilisées pour prendre en charge vraiment cette question qui aujourd'hui leur pose des difficultés. Les deux femmes du comité (le « Bureau » de l'APRAN où il y a 5 membres) s'occupent de la mobilisation des femmes dans toutes les activités. Sur 1100 membres, il y a au moins 800-850 femmes. Ce sont les femmes qui ont beaucoup plus vécu les difficultés et les conséquences de cette crise. Donc elles ont fait un travail d'animation et de sensibilisation auprès des autres femmes et c'est ça qui a permis, un peu, la participation massive des femmes. Celles dont les enfants et les maris sont partis au maquis, ce n'est pas pour rien qu`elles se mobilisent aujourd’hui pour récupérer ceux qui vivent encore. "

 

Extrait du livre de vie de Demba Keita ”Vingt ans de lutte pour rétablir la paix”


L'aide internationale et les femmes

Joséphine Ndione insiste particulièrement sur les articulations à trouver entre les différents groupes sociaux et sur l’intégration de l’action des femmes dans la société villageoise :


« Nous faisons attention à ne pas isoler le groupement du village. Le groupement est en même temps une entité du village. Le groupe lui-même collabore avec le chef de village, avec les conseillers ruraux, avec l’école. On sait qu’un jour ou l’autre, on aura besoin des services du chef de village, des conseillers ruraux ou de l’école. On essaye de tisser des relations d’amitié avec tous. »

 

Elle expose également une autre manière de ne pas isoler les femmes et de les situer au carrefour de différentes responsabilités. Dans certains cas, les groupements féminins sont ouverts aux hommes qui souhaitent participer :

 

« On travaille avec les femmes en priorité, mais nous ne sommes pas allergiques aux hommes ; s’il y a des hommes qui souhaitent participer, on leur répond oui à eux aussi. Il y a des actions séparées et des actions qui intègrent les hommes et les femmes ensemble. Par exemple, l’alphabétisation est gérée par les femmes mais des hommes y viennent. De même, les actions de santé sont gérées par le village et sont mixtes. Les banques de céréales sont gérées par les groupements de femmes mais les usagers sont mixtes. Pour les actions économiques, à certains endroits comme, par exemple, les vendeuses au marché, ce sont les femmes qui dirigent et les hommes ont accepté de participer à ces groupes de femmes. »

 

Extrait du livre de Marie Christine Geneau et Bernard J.Lecomte "Sahel: Les Paysans dans les marigots de l'aide" p.56


La place des femmes dans l'Union

Quelle est la place des femmes dans l'Union ?

Elles occupent une place très importante et jouent un rôle prépondérant. L'Union polarise 41 groupements. Il y a des groupements mixtes et des groupements féminins mais les femmes représentent la majorité des membres dans tous les cas. Elles sont plus nombreuses parce que souvent les hommes émigrent et elles restent.

Bous, les animatrices, nous allons dans les villages. Nous discutons avec les femmes. Nous connaissons leurs problèmes et surtout leur pauvreté. Ce n'est qu'en créant des activités génératrices de revenus que nous pourrons nous en sortir et assurer notre avenir. C'est vrai que traditionnellement, la femme restait à la maison, mais la femme d'aujourd'hui ne compte plus rester à la maison, s'occuper toujours des travaux ménagers. la femme sénégalaise a 1000 bras, elle travaille du matin au soir car en plus de ses travaux ménagers, elle garde les enfants, assure parfois le coût de leur scolarisation, cultive et transforme les produits de la récolte. Elle participe financièrement, même, à satisfaire les besoins de la famille. L'homme ne peut pas les assumer seul, la femme doit en prendre en charge une partie.

 

Des maris s'opposent-ils à ce que leur femme parte pour une formation ?

Ici nous n'avons pas ce problème. Su in homme ne veut pas que sa femme aille travailler ailleurs, cette situation provient d'une mauvaise compréhension : la femme ne peut pas ou ne sait pas lui expliquer ce qu'elle veut faire. L'homme résiste alors. Il ne veut pas la laisser partir si elle ne lui dit pas ce qu'elle fera et pourquoi. Lorsqu'il connaîtra cela, il n'y aura pas de problème.

 

Quels changements ?

Un grand changement est celui-ci : autrefois, la femme n'avait pas le droit de parler devant les hommes, mais, à l'heure actuelle, la parole appartient à tout le monde. Tout le monde a le droit de parler, tout le monde a le droit de travailler. Autrefois, la femme restait toujours dans le foyer, mais actuellement la femme, en tant qu'agent de développement, ne peut pas rester toujours à la maison pour s'occuper des enfants, elle a beaucoup d'autres choses à faire puisqu'elle a son avenir devant elle. Donc elle doit travailler d'arrache-pied.

 

Restent-ils des comportements interdits ?

Eyre au milieu des hommes, ce n'est pas tellement accepté par les anciens. Et sortir de la maison, aller travailler ailleurs, ce n'est pas recommandé. Et voyager à l'étranger ou à l'intérieur du pays, non plus. Mais avec la modernisation, avec l'émergence des mouvements associatifs, cela change.

 

Extrait du livre de l'UGPM ”Nous sommes devenus fiers d'être paysans” p. 71 à 74