Une Afrique plus verte... Mais pas à la base !

Le Vert se porte bien !

Même au Sahel et dans l’Afrique plus globalement le vert sert d’alibi. Comment se repérer dans tous ces slogans, ces noms de projets, d’associations qui nous promettent une Afrique plus verte que verte ? Sur quels critères s’appuyer pour espérer déboucher sur un développement durable, une justice sociale et écologique ?

En effet, le prix Pinocchio (1), décerné par Les Amis de la Terre, le CRID et Peuples Solidaires rappelle qu’un certain nombre d’entreprises montent des campagnes de communication « abusives et trompeuses ». Ainsi, en Novembre 2012, ces ONG attribuent le prix d’honneur de l’éco-blanchiment (greenwashing) à Lesieur pour sa campagne « Aidons l’Afrique : une bouteille d’huile Lesieur achetée, une bouteille envoyée ». La volonté soudaine de cette entreprise d’aider les familles africaines cache mal les pratiques de sa maison mère Sofiprotéol, importante productrice et promotrice de l’industrie des agro-carburants, qualifiée de « crime contre l’Humanité » par Jean Ziegler (Ancien rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation).

Que penser aussi de la Grande Muraille Verte, projet panafrician, adopté en 2007, concernant 11 pays de la zone sahélo-saharienne ? Pour lutter contre la désertification, il a pour folle ambition de transformer une bande de terres arides de 7 000 km s’étendant du Sénégal à Djibouti, sur 15 km, en rideau végétal. Mais il stagne.
N’est-ce pas un nouveau projet venu d’en haut appelant une contribution des populations (entretenir, tailler, arroser) mais sans pouvoir de décision ? La position d’Abdoulaye Dia (Secrétaire exécutif de l’Agence panafricaine de la Grande Muraille verte) est claire : « Il faut discuter avec elles -les populations- pour leur faire comprendre que la Grande Muraille ne se fera pas à leur détriment, qu’elle est plutôt là pour les aider à se développer, à avoir plus de ressources et à mieux gérer leurs ressources naturelles. »
Comment imaginer le financement d’un tel projet si ce n’est le délire provoqué par l’attrait des fonds carbone ?

AGRA, l’Alliance for a Green Revolution in Africa, est-elle une solution ? Financée par les fondations Gates et Rockfeller, elle vise à améliorer la productivité des terres africaines en utilisant des semences améliorées, des engrais chimiques, des pesticides, mobilisant des techniques très gourmandes en eau et finalement destructrices des sols, sans compter les conséquences collatérales sur la société rurale (4.)

Sans parler de « l’économie verte » prônée lors du dernier Sommet de Rio+20 qui veut protéger la nature en lui donnant une valeur marchande ! Les ONG martèlent qu’économie verte ne signifie pas rendre l’économie plus écologique mais qu’à l’image d’une gestion dite efficiente de l’eau, on risquait fort de déboucher sur une transformation de la nature en marchandises à vendre et à acheter.

Les organisations « vertes » créées et portées par les paysans n’ont rien de comparable avec ce qui est décrit ci-dessus.

«Afrique Verte – International» fédère quatre associations (3.) et vise à « favoriser la transformation des céréales pour offrir des produits de qualité aux citadins et répondre au défi de demain : nourrir les villes au Sahel avec les productions locales ». Par exemple, Afrique Verte Mali, à l’image de son slogan « le Sahel peut nourrir le Sahel » « soutient les opérateurs céréaliers pour que les producteurs vivent de leur travail et approvisionnent l’ensemble du pays ». Il ne s’agit plus d’imposer de grands projets venus d’en haut, mais d’appuyer les initiatives de base dans le but « d’améliorer la sécurité alimentaire de manière durable ».

Wangari Maathaï a suscité la création d’un mouvement appelé « ceinture verte ». Plus grand projet de reboisement d’Afrique, conduit par les femmes et leurs communautés (600 associations), il a permis de créer 6 000 pépinières. En promouvant la biodiversité, dans le respect des ressources en eau, ce mouvement a suscité des emplois et donné aux femmes une identité plus forte au sein de la société. «Lorsque nous plantons des arbres, nous plantons les graines de paix et de l’espérance» (4.)
Lorsque nous plantons des arbres, nous plantons les graines. Mais les paysans pratiquaient traditionnellement des méthodes qu’on dirait « vertes ». Le « zaï » par exemple consiste à creuser des poquets (trous qui vont concentrer l’eau), l’agroforesterie ou « Régénération Naturelle Assistée » (RNA) pousse à introduire des arbres dans les cultures vivrières. Elles peuvent être améliorées. Plus généralement l’agro-écologie (5.)  ne bouleverse pas la structure du sol et recourt à une énergie plus équilibrée.

Le plus vert existe donc en Afrique mais il ne s’impose pas, ne dépend pas de l’extérieur. Il émerge, s’enracine chez des paysans particulièrement dynamiques et se partage dans les pratiques des associations paysannes.

Claudine COPPEL

1. http://www.prix-pinocchio.org/

2. « Du bon usage des crises, le défi des initiatives citoyennes » ouvrage collectif GRAD-s

3. http://afrique.verte.org/

4. Mark Hersgaard : http://www.monde-diplomatique.fr/2010/08/HERTGAARD/19540

5. Voir Pierre Rabbhi et ses 10 points de l’agroécologie

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