La main qui donne n'écoute-t-elle plus que ses bailleurs?

Nous avons entendu ces derniers temps un même son de cloche  de la part de responsables d’organisations paysannes d’Afrique de l’Ouest. Voici quelques-unes de leurs paroles.

 Baganda Sakho,  de l’association Soxaana Fedde, à Koar (Sénégal)

  • « Avant, nous les associations paysannes on montait les programmes nous-mêmes, on cherchait des partenaires et on trouvait des financements…Cela, maintenant c’est fini. Ce sont les programmes d’aide qui viennent pour nous dire: ‘Vous voulez faire ça, mais nous on a l’argent pour faire ceci!‘. Mais souvent ce n’est pas notre priorité. Notre priorité en ce moment, à Koar (situé à 450 km de Dakar) c’est l’éveil des consciences face au danger du plastique.
  •  Le plastique ? Les sacs?
  • Oui, ils sont  enfouis partout et bloquent les racines du maïs. Une ONG veut bien co-financer l’édition des plaquettes préparées par nous, dans nos trois langues, mais à la condition qu’on y parle des « Droits de l’Homme »…
  • C’est l’un des plaidoyers à la mode,non ?
  • Oui, exactement. Leur main est au-dessus et dit : ‘Tu auras ça !  Tu le veux ou tu ne le veux pas !?’. On a eu des réunions trés chaudes entre nous et on a dit ‘Non’ car on ne veut pas avoir le torticolis devant un bailleur. »  (1)

Demba Keita, de l’association APRAN, à Ziguinchor (Sénégal)

  • « Vous , l’ APRAN, comment êtes-vous aidés ? »
  • Oh, c’est dur!  Après le succès de cinq années de travail pour la paix en Casamance et le retour de familles dans leurs villages, l’USAID a cessé de nous financer (faute de moyens , semble-t-il). Nous végétons depuis lors, alors que ces retours sont à peine entamés !
  • L’appel d’offres de l’UE ouvert aux ANE (Acteurs non étatiques), était donc bon à prendre ?
  • Oui, pour nous maintenir la tête dans de l’eau ! Pas plus !
  • Bizarres ces 100 millions CFA (152 000 Euros) pour ‘la Bonne Gouvernance’ et rien pour votre travail essentiel.
  • Bah!Ce n’est que de la photocopie. Partout dans le monde et en Afrique, il nous faut nous embarquer dans cette pirogue-là. Mais c’est loin de nos préoccupations essentielles… leur bonne gouvernance! « 

« Aujourd’hui, » m’explique  Mamadou Goïta, de l’IRPAD-Afrique (Institut de Recherche et de Promotion des Alternatives de Développement, à Bamako (Mali), qui coopére depuis 30 ans avec les organisations paysannes et les ONG du Mali et du Burkina Faso, « on ne trouve pas de ressources pour épauler un mouvement paysan dans ses fonctions de mouvement. Les ressources sont toutes liées à des projets spécifiques orientés vers des objectifs décidés par les opérateurs  qui ont répondu avec succés à l’un des appels d’offres de l’un des bailleurs de fonds. Il n’y a pas de fonds destinés au renforcement du mouvement lui-même. »

Depuis les années 90, on voit s’accentuer cette pratique des bailleurs de fonds de financer des projets répondant à des appels d’offre qu’ils lancent eux-même, à partir de leurs propres analyses, sans plus se préoccuper des attentes et des besoins des organisations qui agissent vraiment sur le terrain. C’est une approche perverse car elle tend à renforcer les institutions bureaucratiques au détriment des vrais acteurs du développement Il est temps de réagir et de se regrouper pour résister, engager le combat, faire entendre notre voix pour tenter, peu à peu, de renverser la tendance. Faites-nous connaitre vos expériences, les difficultés que vous avez eues pour faire comprendre aux bailleurs de fonds vos objectifs et vos besoins, faites-nous part de vos réactions pour que, tous ensemble, nous les diffusions auprès des décideurs et du grand public.

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