Etre paysan, un statut qui a de l'avenir

  • Par téléphone : depuis Bologne et Parme, des ami(e)s italiens : « Au diable, Berlusconi ! »
  • A la radio : la Ligue arabe émet des menaces à l’encontre du pouvoir syrien .
  • Sur le bureau : le Ziegler nouveau : «Destruction massive , Géopolitique de la faim»*
  • Dans le Monde-Economie du jour : un article de Pierre Jacquet sur Mamadou  Cissokho.

Ces deux derniers bonheurs de lecture nous touchent en tant qu’acteurs de la coopération internationale  et comme amis de celui que Jacquet appelle : « messager des paysans africains ».

Première joie, l’intérêt majeur du texte décrivant la faim et les raisons de l’échec des efforts faits pour l’éradiquer . « La destruction, chaque année de dizaine de millions d’hommes, de femmes et d’enfants par la faim constitue le scandale de notre siècle» écrit Jean Ziegler qui fut rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008 . Il constate que désormais deux fléaux combinent leurs effets d’élimination des paysans  et de croissance de la faim : l’accaparement des terres par les sociétés dites d’investissement d’une part, et la spéculation sur les denrées alimentaires (facteur de l’augmentation des prix) d’autre part.  A ses yeux, pour changer cela « il faut des actes volontaristes, concrets, comme ceux des syndicalistes  paysans

Ceux-ci refusent que leurs Etats  louent et vendent, par dizaines de milliers d’hectares,  les champs de leurs exploitations familiales à des firmes étrangères, intéressées surtout par la production du bioéthanol, comme le note Jean Feyder dans son livre : « La faim tue »**. Et  leurs dirigeants se battent au sein des institutions internationales, comme le fait Cissokho dont Ziegler dit ceci : «A chaque fois que je le rencontre, Mamadou Cissokho a l’esprit plus aiguisé. Luttant durant des séances interminables – à Genève, à Bruxelles, à New York – contre les géants de l’alimentaire et les gouvernements occidentaux qui les servent, Cissokho n’est pourtant  guère optimiste.»

Peut-être notre deuxième joie, le court article du Monde, contribuera-t-il à rendre son sourire à notre ami ! « …La modernisation agricole ne se décrète pas (…) : ce sont les paysans dans leur exploitation familiale qui la mettent en œuvre », écrit Pierre Jacquet, chef économiste à l’Agence française de développement. Ce dernier tire des leçons de ses rencontres avec Cissokho et de la lecture du récit de ce dernier : « Dieu n’est pas un paysan »***.

Il conclue par une phrase lapidaire : « C’est ( …) sur les exploitations familiales qu’il faut s’appuyer. Autrement dit, cessons d’agir pour « développer les paysans », agissons avec eux ». J’imagine que l’historien  Joseph Ki Zerbo s’est retourné dans sa tombe à la lecture de cette sentence, lui qui affirmait, il y a quarante ans : « on ne développe pas, on se développe».

Réjouissons-nous de voir que la lucidité, la capacité d’écoute, la force de conviction et la largeur de vue de Cissokho sont aujourd’hui reconnues .

Et qu’être paysan est un statut qui a de l’avenir !

Bernard Lecomte

* Editions du Seuil, 2011

** L’Harmattan, 2011

***Grad, Présence africaine, 2009

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