Ibrahima Coulibaly : « L'agriculture à petite échelle peut nourrir nos pays »

ENTRETIEN. Alors qu'on promet des jours difficiles au monde agricole africain, le président du Roppa* est persuadé que la crise du Covid-19 est une fenêtre d'opportunité.

Publié le  | Le Point.fr
Alors que plane la menace d'une crise alimentaire en Afrique de l'Ouest, dont le nombre de victimes pourrait passer de 17 à 50 millions entre juin et août selon la Cedeao (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest), certains États pourraient-ils revoir leurs politiques publiques dans le secteur agricole ? C'est en tout cas l'une des attentes du Roppa (Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l'Afrique de l'Ouest), créé en 2000 pour défendre une « Afrique nourricière ». Après la crise alimentaire de 2007-2008, ses membres, des organisations paysannes nationales, avaient joué un rôle clé dans l'élaboration de plans en faveur de la relance du secteur agricole. Selon son président, Ibrahima Coulibaly, la crise actuelle est donc une fenêtre d'opportunité pour développer des politiques ambitieuses en faveur de la souveraineté alimentaire. Éclairage.

Le Point Afrique : Les mesures de riposte face à l'épidémie de coronavirus ont été mises en place dans le courant du mois de mars en Afrique de l'Ouest. Cela correspondait à quelle phase de la production agricole ?

Ibrahima Coulibaly : Nous étions en pleine production maraîchère. En temps normal, ces cultures sont acheminées vers les marchés hebdomadaires où les intermédiaires viennent s'approvisionner pour desservir les capitales. Sauf que dans de nombreux pays ouest-africains, ces marchés ont été fermés. Ça n'a pas été le cas au Mali, mais il y avait une peur panique, car les gens entendaient que le Covid-19 était une maladie très contagieuse. Et surtout les commerçants intermédiaires, même s'ils achetaient ces produits, n'étaient pas sûrs de pouvoir les écouler, en raison des restrictions sur les déplacements et des couvre-feux – chez nous, les marchés sont des lieux très vivants, y compris la nuit. Tout cela a donc joué sur la dynamique commerciale. Et vu que la plupart des produits, à l'exception de la pomme de terre et de la patate douce, ne peuvent pas être stockés, les paysans ont été frappés de plein fouet par la crise. Leurs revenus ont chuté.

Quelles ont été les conséquences pour les consommateurs ?

Dans les campagnes, il n'y a pas vraiment eu de changement, car les gens consomment ce qu'ils produisent. Mais dans les villes, les fruits et légumes n'étaient plus très disponibles, ou alors à des prix plus élevés que la normale. La pomme de terre a par exemple augmenté de 50 % en quelques jours début mars.

 

Actuellement, nous assistons à une spéculation rampante. Ceux qui ont les moyens de stocker leurs marchandises attendent le meilleur moment pour vendre.